By | septembre 12, 2023

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Francesca Caiazzo[1]

Résumé : Cet article analyse le double rôle de la sexualité dans La vie lente d’Abdellah Taïa. D’une part, elle montre les oppressions, les violences, les rapports de pouvoir qui sont à la fois de classe, de race et de genre : il s’agit d’un dispositif visant à mettre au jour des enjeux politiques. D’autre part, la sexualité apparaît comme un moyen pour dépasser et pour transcender toutes ces questions, ce qui permet de créer des liens autrement impossibles mais aussi de survivre à l’oppression tout en la détournant. L’analyse se concentre sur les lieux publics, qui entretiennent un lien paradoxal avec l’intimité sexuelle ainsi que sur les corps des personnages dont les frontières s’estompent lors de la rencontre sexuelle et qui deviennent le théâtre des rapports de pouvoir.
Mots-clés : Abdellah Taïa, Sexualité, Intimité sexuelle, Marginalité, Identité, Lieux publics

Title: Subverting the marginalized identity: the role of sexuality in Abdellah Taïa’s La vie lente
Abstract: This article studies the role of sexuality in Abdellah Taïa’s latest novel La vie lente. On the one hand, sexuality shows the oppression, the violence and the power relations produced by class, race and gender: it becomes a way of exposing political stakes. On the other hand, sexuality appears as a means to exceed and transcend all of these questions, which is able to create otherwise unimaginable relationships and also to survive the oppression by twisting it. This study focuses on public spaces, which have a paradoxical relationship with sexual intimacy, and on characters’ bodies, whose limits tend to blur during the sexual encounter, and which become the theatre of power relations.
Keywords: Abdellah Taïa, Sexuality, Sexual intimacy, Marginality, Identity, Public spaces


  1. Né en 1973 au Maroc, Abdellah Taïa a publié de nombreux romans en langue française à partir des années 2000. Ayant reçu en 2010 le prix de Flore pour son roman Le jour du roi, Abdellah Taïa publie régulièrement aux éditions du Seuil. Son œuvre littéraire s’étend du Maroc à la France, du Maghreb à l’Europe, où ses personnages circulent sans cesse, tantôt en se souvenant du passé, tantôt en quittant physiquement un lieu.
  2. L’un des fils rouges de ses romans est très certainement la sexualité, qui traverse les époques, les territoires et les personnages[2]. En effet, Taïa présente souvent une constellation de personnages qui, malgré la différence de leurs provenances géographiques et temporelles, sont opprimés par et dans leur sexualité. Celle-ci, représentée avec franchise et sans pudeur, permet de faire exister tous ces personnages dans leur complexité et dans leurs paradoxes, où le désir côtoie les enjeux de pouvoir et les rapports de domination dans un contexte post-colonial. Les protagonistes de ses œuvres sont, pour la plupart, des Marocains homosexuels ayant émigré en France, à l’instar de Taïa lui-même[3].
  3. Ainsi, l’écriture de la sexualité dans l’œuvre de Taïa nous semble jouer un double rôle. D’un côté, elle montre les oppressions, les violences, les rapports de pouvoir qui sont à la fois de classe, de race et de genre : il s’agit d’un dispositif visant à mettre au jour des enjeux politiques. De l’autre côté, la sexualité apparaît comme un moyen pour dépasser et pour transcender toutes ces questions, ce qui permet de créer des liens insoupçonnables mais aussi de survivre à l’oppression tout en la détournant. Il y a donc une tension permanente entre le dévoilement que l’on pourrait qualifier de mouvement négatif, dans la mesure où il vise à dénoncer des rapports de force, et la création, qui est en revanche un mouvement positif où le désir permet de fuir la réalité sociale et, parfois, de la réinventer. La sexualité se veut à la fois vecteur d’inégalités, d’enjeux de pouvoir, et forme de résistance.
  4. Tous ces éléments sont particulièrement visibles dans son dernier roman, La vie lente, paru en mars 2019. Pour Jean-Pierre Boulé, La vie lente « présente une architecture arachnéenne. [Le livre] tisse patiemment sa toile en reliant sept personnages ainsi que des époques différentes, des continents différents, et en faisant dialoguer morts et vivants[4]». Mounir, intellectuel marocain homosexuel d’une quarantaine d’années installé depuis longtemps à Paris, interroge sa place présente et future en France à travers sa rencontre avec Antoine, policier blanc et père de famille incapable de faire son coming out. Dans une ville où la blessure des attentats de 2015 est encore ouverte, il s’agit pour Mounir d’un moment de rupture et de remise en question, dans la mesure où les enjeux politiques et sociaux façonnent son identité et sa mise à l’écart.
  5. Dans le cadre de cet article, je vais me concentrer sur trois personnages, Mounir, Soufiane et Antoine et, plus précisément sur trois passages où Mounir et sa sexualité occupent une place centrale : le premier, où il relate la rencontre avec Soufiane dans un bus de Rabat advenue vingt-cinq ans auparavant ; le deuxième, en miroir du premier, où il rencontre Antoine le policier dans le RER à Paris et, le troisième, où les deux se séparent lors d’une visite au Louvre.
  6. Je vais notamment me focaliser d’une part sur les lieux publics, qui entretiennent un lien paradoxal avec l’intimité sexuelle et, d’autre part, sur les corps des personnages dont les frontières s’estompent lors de la rencontre sexuelle et qui deviennent le théâtre des rapports de pouvoir[5].

1. L’espoir d’une autre vie : la première rencontre dans les transports publics

  1. Dans Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, l’anthropologue Marc Augé définit le non-lieu comme lieu où l’être humain reste anonyme, en opposition aux lieux identitaires qu’il peut s’approprier : « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu[6]».
  2. Les transports en commun seraient par exemple un type de non-lieu, où les personnes qui s’en servent demeurent anonymes et seules. Dans l’œuvre romanesque de Taïa, les moyens de transport sont néanmoins l’endroit où des trajectoires différentes sont susceptibles de se croiser : cela est déjà le cas du narrateur Abdellah dans L’armée du salut (2006) lorsqu’il fait la rencontre de deux jeunes hommes dans un train en Espagne avec lesquels il vit une aventure amoureuse, ainsi que d’Ahmed, le narrateur de Celui qui est digne d’être aimé (2017), qui rencontre un homme dans le métro de Paris[7]. Dans La vie lente, les transports constituent pour le sujet marginalisé une occasion à la fois d’anonymat et de renouveau. C’est le cas de Mounir qui, à l’âge de 15 ans, rencontre Soufiane à bord d’un bus à Rabat : « Tout au long du trajet, l’homme n’avait cessé de se rapprocher de moi, de se coller à moi, fort, de plus en plus fort[8]».
  3. Quand Soufiane s’approche de Mounir pour se coller à lui, le jeune narrateur insiste sur les différences entre leurs deux corps, l’un étant « petit » et « maigre » (« à peine pubère » précise-t-il) et l’autre étant « grand » et « en très bonne forme », ainsi que sur les marqueurs sociaux qui les différencient[9]. Le corps et les habits de Soufiane révèlent son métier (« Il portait un costume et une cravate, ce qui indiquait qu’il était fonctionnaire dans le quartier des ministères[10]») et l’opposent tout de suite à Mounir : « Il revenait du travail. Je revenais d’une errance dans les rues de la capitale[11] ». La rencontre corporelle est donc avant tout la rencontre d’un monde social différent, que seul le « hasard » peut faire croiser : « Il avait l’air important. Pas du tout du même monde que moi[12] ». Le rapprochement de deux corps vient souligner leur étrangeté totale : l’âge, la taille, les habits, le statut social. Soufiane porte sur lui les signes de la sécurité du travail, tandis que Mounir flâne dans les rues de la capitale, en position d’insécurité.
  4. Bien que tous les éléments montrent le déséquilibre foncier de la rencontre, le narrateur explique quelques pages plus loin les raisons de son errance : afin de fuir les hommes de Salé, qui avaient commencé à le payer en échange de rapports sexuels, il a décidé d’aller à Rabat où il était anonyme et où tout serait possible. C’est dans ce non-lieu qu’est le bus que cette rencontre peut avoir lieu et où son désir peut s’exprimer. Pour Mounir, c’est un moment de tension : « Que faire de moi et de ma vie au Maroc maintenant que tout le monde savait officiellement que j’étais pédé, une petite chose folle ? Et que faire de tous ces désirs fous pour les hommes qui n’arrêtaient pas de monter, monter, en moi[13]? ». D’une part, il y a la reconnaissance d’autrui (« tout le monde ») qui est péjorative (« pédé », « petite chose folle ») qui entraîne l’exclusion sociale et les violences sexuelles ; d’autre part, il y a la découverte personnelle (« ces désirs fous pour les hommes », « en moi ») d’une énergie sexuelle débordante et vivante.
  5. C’est cette tension qui constitue le personnage du jeune Mounir, celle entre la violence subie et le désir sexuel, entre la douleur et le plaisir, et c’est cette tension qui est condensée dans le corps étranger de Soufiane. Cet homme est tout de suite perçu comme une occasion d’être sauvé, un moyen de s’éloigner de sa situation de pauvreté et de violence : « Quelque chose qui advient enfin et qui vous élève haut, si haut. Je sors de mon adolescence pauvre, je quitte le territoire de ma ville Salé et ses murs, je vole, je lévite[14]», et encore, « L’homme du bus était ce jour-là cet espoir et cette nouvelle vie[15] ».
  6. Le bus en tant que non-lieu produit donc un double effet : d’une part, il permet à Mounir d’exprimer son désir et son identité sexuelle dans l’anonymat, loin des jugements des personnes qui le connaissent ; d’autre part, il lui permet, à travers une rencontre improbable, de se rêver dans un autre monde et d’envisager un ailleurs, à la fois spatial et temporel. En ce sens, le bus devient également, pour le dire avec les mots de Michel Foucault, un espace-autre ou une hétérotopie, où se déploie un espace identitaire sexuel propre et à l’abri de la réalité : « Un espace où fuir quelques heures, faire l’amour, tuer l’amour, partager le butin, sortir définitivement de la norme, de la peur[16]». La sortie de la norme permet ainsi d’expérimenter « Le désir hors la loi[17] ».
  7. C’est dans une conférence prononcée en 1967 et nommée « Des espaces autres » que Michel Foucault forge la notion d’hétérotopie :

Il y a […] des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ces lieux, parce qu’ils sont absolument autres que tous les emplacements qu’ils reflètent et dont ils parlent, je les appellerai par opposition aux utopies, les hétérotopies[18].

  1. Ainsi, le bus constitue un « contre-emplacement », un espace à l’encontre de la norme et une « utopie effectivement réalisée ».
  2. Dès lors que Mounir accepte d’exécuter cette chorégraphie avec Soufiane, c’est surtout le toucher qui est mobilisé : leurs corps se frottent, se fondent et s’unissent au milieu de la foule, atteignant paradoxalement une haute forme d’intimité dans l’anonymat le plus total. Le corps de Soufiane est à la fois compact (« Il entre dans ma peau[19]») et morcelé (« Sa main. Son bras. Son sexe. Son petit ventre. Ses poils[20] ») mais il est avant tout le résultat de contacts physiques et non pas de stimulations visuelles. C’est justement quand Soufiane descend du bus et que Mounir peut voir son visage que le détachement se fait : « On était plus qu’intimes, nous voilà étrangers. Les traces de son sperme sont encore humides entre mes jambes[21] ».
  3. La vue de cet homme ramène Mounir à la réalité sociale et à la fin de leur partage sexuel, bien qu’il vienne d’avoir lieu et que Mounir soit porteur de la trace de la jouissance de l’homme : « Il appartient sans doute à une de ces grandes familles historiques qui dominent et pillent Salé[22]». Ici, la domination exercée sur les gens comme Mounir, les habitants de Salé, est réelle et semble refléter la scène de domination qui vient d’avoir lieu dans le bus. C’est Soufiane qui se colle à Mounir, qui est grand et fort, qui a l’air « important » ; c’est lui « qui a commencé cette aventure. Creusé si profondément en [Mounir]. Qui est entré si loin dans [son] corps[23] ». À l’instar des « grandes familles historiques », Soufiane agit sur Mounir et non pas l’inverse. La distance est alors rétablie et le narrateur affirme : « Je ne suis rien. Pauvre. 15 ans. Il est tout ce que je ne serai jamais[24] ». Ce faisant, il fait rentrer dans le texte littéraire ce que Didier Éribon qualifie de « verdict » :

le monde social peut s’analyser comme un ensemble de verdicts, qui s’imposent aux individus ou s’emparent d’eux à un moment où à un autre de leur vie […] et qui sont édictés […] par les structures sociales, raciales, genrées, sexuelles, etc., héritées de l’histoire[25].

  1. L’énonciation du verdict, toujours selon Éribon, « nous installe, aux yeux des autres, mais aussi aux yeux de nous-mêmes, en chaque minute de nos existences, comme étant ceux et celles qui essaient de se situer en dehors de sa juridiction[26]» : lorsque Mounir fait face à cet homme, le verdict est énoncé précisément parce qu’il a essayé de s’en distancier dans la rencontre sexuelle[27]. Cette hétérotopie a été une fenêtre qui s’est ouverte, coupée du temps et de l’espace, où la sexualité a joué à la fois un rôle libérateur et oppresseur : par l’énonciation du verdict, le narrateur est replacé dans « [le] champ des aspirations ou [le] champ des possibles envisageables ou réalisables[28] » pour lui, qui n’incluent pas l’homme du bus.

2. Âge adulte et solitude : la deuxième rencontre dans les transports publics

  1. La scène qui vient d’être analysée est directement comparée à celle où le narrateur rencontre Antoine, vingt-cinq ans plus tard, dans un RER : « Comme Soufiane, sans le sortir de son pantalon, Antoine a mis son sexe dressé entre mes jambes[29]».
  2. Il nous faut tout d’abord remarquer que dans cette deuxième rencontre il n’y a plus un écart d’âge ni même une distance sociale : Mounir n’est plus un adolescent pauvre qui rencontre un homme plus âgé et plus riche, il ne cherche plus chez les hommes une manière de fuir sa situation précaire. En ce sens, en rencontrant Antoine, Mounir joue un rôle plus actif où les enjeux de pouvoir ne sont plus les mêmes, d’autant plus que dans le RER les deux personnages ne se connaissent pas et ne devinent pas leurs métiers respectifs. Aussi, l’orientation sexuelle de Mounir n’est visiblement plus une source d’exclusion sociale comme lorsqu’il était adolescent.
  3. C’est dans ce contexte qu’on note également un renversement de mouvement par rapport à la scène précédente : si dans le bus à Rabat il s’agissait d’aller de la périphérie vers le centre (de Salé à Rabat), il s’agit ici de se déplacer du centre à la périphérie (du troisième et quatrième arrondissement de Paris à Nanterre) :

Après quinze ans de vie à Paris, je n’étais plus satisfait d’être au cœur du mythe intellectuel froid construit autour de cette ville. Vivre au centre de la cité légendaire ne me suffisait plus […] J’étais en apparence si libre à Paris, si maître de moi, si réfléchi, si cultivé, si indépendant. Mais malgré moi une nostalgie du monde d’avant m’habitait désormais jour et nuit […] une nostalgie des sensations fortes, violentes, trop violentes […] ici à Paris […] je pouvais passer des jours et des jours sans parler à personne. Que moi à moi. Dans trop de moi[30].

  1. Mounir souhaite, selon ses mots, « être sauvé de cette rue de Turenne où, déplacé, je vivais comme un véritable ovni. Un homme malheureux. Un Marocain sans importance. Un Marocain sans avenir […] un Marocain faux[31]». Le terme « déplacé » me semble décrire de façon succincte et efficace la position paradoxale de Mounir : en tant que participe passé, il indique le résultat d’une action accomplie et, par conséquent, l’absence de mouvement dans le présent. On peut également entendre dans « déplacé » quelqu’un qui n’est plus à sa place ou à qui on a retiré sa place. Appliqué à son logement rue de Turenne, il nous fait comprendre que l’habitation de Mounir n’est pas un lieu intime où il peut s’épanouir et être lui-même, mais un rappel constant de son « étrangeté » dans ce lieu.
  2. Notons ensuite que le verbe « sortir » domine le passage de cette rencontre dans le RER : s’il s’agit de sortir du centre d’un point de vue géographique, cela est également valable pour le corps du narrateur et pour sa vie : il cherche à « sortir de [s]a zone de confort et d’inconfort[32]» et à « sortir de toutes les dictatures[33] », tant individuelles que collectives. Aussi, il s’agit d’un mouvement actif qui lui permet de se défaire de sa position figée de « déplacé » dans laquelle il se sent enlisé.
  3. Ce mouvement vers l’extérieur est ce qui va déclencher la rencontre sexuelle, et c’est entre autres pour cette raison que tous ces passages se passent dans un lieu public, accessible à tous et traversé par des foules, plutôt qu’à l’intérieur de son appartement. Ce choix semble nous suggérer que l’intérieur se révèle à la longue angoissant (« Que moi à moi. Dans trop de moi ») et ne permet pas d’aller à la rencontre de l’inattendu. Le RER, comme le bus, est un lieu des possibles dans lequel l’intimité sexuelle de Mounir peut croiser celle d’un autre individu.
  4. Aussi, le verbe « sortir » est appliqué à la norme, à la façade extérieure dont il peine à se différencier. La rencontre avec Antoine le pousse alors à extérioriser cet intérieur tu pendant longtemps : « Je sors de mon être bien élevé, de ma peau de citoyen bien comme il faut, je sors du personnage de l’immigré arabe bien intégré que je suis censé représenter à Paris[34]».
  5. La dimension visuelle est centrale dans le passage. Dans la rencontre avec Soufiane, les deux personnages s’étaient approchés par le toucher, et le regard avait paradoxalement sonné le glas de leur échange, en insistant sur les différences sociales qui les sépareraient à jamais. À Paris, Mounir ressent la nécessité d’être vu et remarqué pour sortir de sa solitude : « Le monde à Paris ne me voyait pas[35]», ou encore, « Je voulais soudain être vu avant qu’il ne soit trop tard[36] ».
  6. L’aspect visuel joue alors un double rôle dans le passage : il est un geste de reconnaissance venant de l’extérieur (être vu, c’est être reconnu en tant qu’individu et ne pas être ignoré) mais il est aussi un moyen d’affirmer son agentivité[37] dans la rencontre, le regard signifiant le contrôle de la situation et le pouvoir d’agir sur l’autre personne. « Dans le RER A bondé à l’heure de pointe, j’avais fait en sorte qu’il saisisse vite que j’étais d’accord. Mes yeux dans ses yeux lui disaient qu’il pouvait se rapprocher[38]». Le regard devient un moyen pour communiquer, donner son accord et signifier son désir, ainsi que pour supporter la présence de l’autre sans se faire écraser. Par rapport au passage dans le bus à Rabat, Mounir orchestre davantage la rencontre : le visuel précède le toucher et ne constitue pas une raison d’éloignement.
  7. La rencontre avec Antoine est alors non seulement une occasion de sortir de sa position actuelle, mais aussi de revivre un épisode du passé qui était resté aux yeux du narrateur inachevé, et qui avait été source à la fois de plaisir et de détresse. Ainsi, nous assistons à un brouillage temporel, géographique et corporel : le corps d’Antoine recèle celui de Soufiane, homme rencontré vingt-cinq ans plus tôt, tandis que celui de Mounir contient celui de Mounir adolescent. L’étrangeté permet ici de déployer un souvenir et de le faire exister pleinement, mais aussi de déclencher la réminiscence et la mémoire involontaire : « On était deux. Avec le souvenir vivace de Soufiane, on était trois[39]» ou encore :

Antoine, le policier, a réveillé Mounir l’adolescent dans le bus. Mounir désespéré à presque 40 ans, sur le point de sombrer dans la solitude définitive […] gardait en lui vivant, tellement, cet ancien épisode de sa vie. Soufiane. L’homme des ministères à Rabat. Son costume. Sa cravate. L’odeur de son sperme[40].

  1. Dans ce passage, nous retrouvons le morcellement de l’apparence de Soufiane dans l’emploi de phrases nominales, dépourvues de l’ancrage que le verbe fournit (« L’homme des ministères à Rabat. Son costume. Sa cravate… ») ; ce morcellement était également présent dans le premier passage le concernant. Ce rythme peut, à mon avis, renvoyer non seulement aux impressions sensorielles au moment de l’événement, mais aussi à des éléments qui réémergent de la mémoire.
  2. Si c’est grâce à la nouveauté extérieure que Mounir retrouve et réactive une rencontre sexuelle qui était enfouie en lui, il ne s’agit pas seulement de s’en rappeler, mais aussi de la revivre et de la modifier : « À travers Antoine, je retrouvais d’un coup Soufiane et ce que je n’avais pas réussi à l’adolescence. Là, dans ce RER de banlieue, dans ce territoire nouveau, je comptais bien l’accomplir[41]».
  3. Le narrateur occupe une place active dans la rencontre, lui permettant de se rattraper, dans une double démarche de vengeance et de pardon. Pour ce faire, nous assistons à un déplacement des propos, où Soufiane prend la parole à travers le personnage d’Antoine, dans un discours indirect libre : « Par la bouche d’Antoine, Soufiane dit qu’il regrette. Il n’a pas pu venir le lendemain au rendez-vous qu’il m’avait donné. Il était pris par son travail au ministère de la Communication[42]». Ici, le souvenir se mue en création d’une trajectoire parallèle, et ce grâce au corps d’Antoine qui, par son contact et par son excitation, permet au narrateur d’accomplir et de clore la rencontre de vingt-cinq ans plus tôt : « Je lui ai pardonné bien sûr. Tout dans le corps d’Antoine m’incitait à le faire[43] ».
  4. Ce passage insiste enfin sur la dimension à la fois intime et publique de la rencontre entre le narrateur et Antoine : ils se trouvent dans un RER bondé et sont initialement plongés dans l’anonymat, mais leur proximité corporelle ainsi que leurs ébats les rendent aussitôt visibles aux yeux des autres passagers : « On joue aux amoureux. Le monde autour de nous est un peu scandalisé. C’est visible » ou encore, « Antoine et moi, on se donne en spectacle[44]». Dans ce moment d’intimité entre les deux personnages, le fait d’être vus n’est pas accessoire mais fait partie du dispositif de la rencontre : ici, une sexualité que l’on demande de taire ou de dissimuler, qui n’est tolérée que si elle n’est pas manifestée ou revendiquée, se montre sans mentir, sans se soucier des conséquences. « Le monde n’existe pas. Le monde c’est nous. Nous en public[45] ». Les passagers, les normes sociales, les passés respectifs, tout finit par s’effacer : « Antoine ouvre le manteau noir qu’il porte. C’est une invitation. J’entre. Je me blottis contre lui. Ventre à ventre. Je mets ma tête sur sa poitrine. Il renferme sur nous le manteau. On oublie le monde. Je ferme les yeux[46] ».

3. Sexualité et humiliation : la rencontre au musée du Louvre

  1. Si la sexualité permet d’inventer un lien qui serait autrement impossible et devient un espace de potentialités, la réalité va néanmoins refaire son apparition au long de la relation que Mounir et Antoine entament après leur rencontre. La dernière scène que nous allons étudier se concentre justement sur leur rupture, qui advient dans un autre lieu public hautement significatif : le musée du Louvre.
  2. Lorsque les deux personnages se donnent rendez-vous au musée, des problèmes ont déjà émergé : Antoine est marié à une femme, il a des enfants et ne s’imagine pas déclarer son homosexualité ou continuer à la vivre. De plus, le statut d’intellectuel de Mounir blesse profondément Antoine : le Louvre va alors représenter la confrontation à la culture officielle, celle que Mounir possède et qui fait défaut à Antoine. L’humiliation s’aggrave lorsque Mounir s’étonne qu’Antoine n’ait jamais visité le Louvre : « Je le renvoyais à quelque chose, à un lieu de sa vie où la honte sociale était dominante[47]». C’est donc au Louvre, symbole d’une distance écrasante, qu’Antoine met fin à leur relation, tout en renversant l’humiliation et en l’adressant à Mounir : après avoir erré dans les salles, Antoine conduit Mounir aux toilettes où, les yeux fermés, il le touche pour la dernière fois.
  3. Notons d’abord que d’un point de vue spatial, nous sommes à nouveau dans le centre de Paris :

Pourquoi revenir à Paris, au centre de Paris, à ses monuments écrasants et à sa culture proclamée comme une identité absolue, une super identité ? Pourquoi ce besoin de se cacher derrière la culture officielle, la culture bourgeoise qu’on ne propose évidemment pas à tout le monde, même en France[48] ?

  1. Néanmoins, s’il s’agit pour Mounir d’un lieu qu’il a visité maintes fois et où il se sent en sécurité, cela n’est pas valable pour Antoine, perdu dans les salles et mal à l’aise : « Dans ce musée qu’il visitait pour la première fois, il voulait être celui qui guidait, pas celui qui se faisait guider. L’homme, c’est lui. Le Français, c’est lui. La légitimité, c’est lui[49]». L’humiliation d’Antoine semble résulter de son double statut d’hétérosexuel (« l’homme ») et de Français (pas immigré, blanc) qui ne supporte pas d’être guidé par Mounir, Marocain homosexuel. Si la première rencontre dans le RER se concentrait sur le contact entre les deux corps, on retrouve ici des enjeux de pouvoir dont le surgissement est favorisé par le lieu, le Louvre. Contrairement au RER, le musée ne facilite pas l’anonymat et renforce l’exclusion : celle d’Antoine qui est sociale et, par conséquent, celle de Mounir qui est raciale.
  2. C’est dans ce contexte qu’Antoine amène Mounir aux toilettes. Le lieu choisi pour faire ses adieux se veut trivial et « bas » en opposition au musée, lieu de culture officielle ; aussi, aux grands espaces du Louvre, Antoine préfère des toilettes étroites, comme s’il voulait reproduire la proximité physique des transports en commun où ils se sont rencontrés. Aussi, les toilettes constituent un lieu topique des rencontres homosexuelles en tant qu’espace de drague et de sexualité anonyme.
  3. Aucun mot ne va être prononcé ; à l’instar de la rencontre, la rupture sera marquée par le contact physique :

Je crois qu’Antoine va ouvrir les yeux. Non. Il les garde fermés. Il tend ses mains vers moi. Lentement. Très lentement. Il touche mes cheveux. Mes oreilles. Mon visage. Mon cou. Ma nuque. […] Puis il se met à ouvrir mon manteau. Il dézippe mon gilet d’hiver. Il déboutonne ma chemise. Il caresse mon corps. Il passe ses mains sur toutes les parties. La poitrine, les tétons, les aisselles, le ventre, le bas ventre[50].

  1. Cette fois, le regard, qui avait été l’initiateur de la rencontre, est non seulement absent mais soigneusement évité par Antoine qui, en refusant de voir Mounir, se détache de lui. Les gestes d’Antoine, qui se muent en masturbation, rappellent une scène de perquisition, où les mains du policier palpent le corps présumé coupable en quête d’une arme ou d’une preuve de culpabilité. Il s’agit souvent d’une scène d’humiliation qui implique des touchers dans les parties intimes, où la personne touchée est dépourvue de toute capacité d’agir. Ici, cette perquisition est bien sûr sexualisée, et l’humiliation demeure : « Je bande. Je ne le veux pas mais je bande. C’est mécanique. […] Je bande pour de vrai. De plus en plus. J’ai honte. […] Je suis saisi de dégoût. Envie de vomir[51]».
  2. La sexualité devient alors un moyen supplémentaire pour réactiver une forme de pouvoir qui avait été absente dans leur lien jusque-là et que la sexualité avait justement permis de dépasser :

Il va reprendre son boulot. Un policier français qui défend bien comme il faut sa belle patrie […], qui protège les siens, ses concitoyens, et qui arrête sans aucun problème dans les rues les types arabes comme moi : contrôle routinier, il faut bien lutter contre le terrorisme islamique qui menace la France, l’Europe, l’Occident[52].

  1. En mimant la perquisition, Antoine met de la distance entre Mounir et lui : le narrateur redevient étranger, son intimité est niée au nom de son apparence (« les types arabes comme moi ») ; aussi, Antoine joue un rôle actif dans la séparation, alors que c’était Mounir qui l’avait jusque-là guidé, à la fois dans la rencontre et dans l’identité homosexuelle. La perquisition se transforme en activité sexuelle non consentie et c’est à ce moment-là qu’émerge la honte, rappel d’une distance que leur relation n’a pas réussi à combler.
  2. Pour conclure, comme j’ai essayé de le montrer dans les trois passages mentionnés, la sexualité joue, dans La vie lente, un rôle à la fois libérateur et enfermant : si elle rend possibles des rencontres en dehors des réalités sociales, ces dernières finissent tout de même pour émerger dans la relation entre les deux individus. Dans ce contexte, le sujet marginalisé est susceptible de subvertir sa propre identité ainsi que sa position sociale, et les lieux publics constituent le théâtre de sa subversion, ne serait-ce que temporaire.
  3. D’autres personnages de La vie lente qui n’apparaissent pas dans cet article mériteraient d’être étudiés : entre autres, Madame Marty, la voisine octogénaire de Mounir ; Manon, sœur de Madame Marty faisant partie des femmes tondues lors de la Libération ; Majdouline, cousine de Mounir qui est homosexuelle mais qui doit se marier avec un homme. Leurs trajectoires croisent celle de Mounir et permettent de mieux comprendre les imbrications des rapports de pouvoir : chaque personnage appartient à la marge, qu’elle soit sexuelle, économique ou raciale ou les trois à la fois.

Références bibliographiques

Augé, Marc, 1992, Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil.

Boulé, Jean-Pierre, 2020, Abdellah Taïa, la mélancolie et le cri, Lyon, PUL.

Caiazzo, Francesca, 2020a, « Spatialité de l’intimité sexuelle dans l’œuvre d’Abdellah Taïa : d’un “chez soi” impossible à l’espace public », Postures, Dossier « Écrire le lieu : modalités de la représentation spatiale », 31 [En ligne], http://revuepostures.com/fr/articles/caiazzo-31.

Caiazzo, Francesca, 2020b, « Une sexualité “débordante et poétique” : évolution et circulation du thème de la sexualité dans l’œuvre d’Abdellah Taïa », Fémur, 1, « Le trajet : entre parcours et errance » [En ligne] https://revuefemur.com/index.php/2020/06/23/une-sexualite-debordante-et-poetique-evolution-et-circulation-du-theme-de-la-sexualite-dans-loeuvre-dabdellah-taia/.

Éribon, Didier, 2015, Théories de la littérature. Système du genre et verdicts sexuels, Paris, PUF.

Foucault, Michel, 1984, « Des espaces autres », Empan, vol. 2, 54, pp. 12-19.

Gamaury, Laure, 2012, « Rentrée littéraire 2012 : Abdellah Taïa, “Infidèles” », Terra Femina [En ligne] https://www.terrafemina.com/culture/livres/articles/16908-rentree-litteraire-2012-abdellah-taia-l-infideles-r.html, consulté le 13 septembre 2022.

Gouyon, Marien, 2013, « Abdellah Taïa et “l’ethnologie de soi-même”. Du point de vue de l’objet à la construction de l’objet », Tumultes, vol. 41, 2, pp. 185-204.

Matei, Alexandru, 2014, « L’autre du corps et l’autre de l’esprit. Abdellah Taïa, L’Armée du salut », Journal of Research in Gender Studies, vol. 4, 1, pp. 859-874.

Ncube, Gibson, 2016, « Knowledge, Power and Being: Literature and the Creation of an Archive of “Marginal” Sexualities in the Maghreb », Journal of Literary Studies/Tydskrif vir Literatuurwetenskap, vol. 32, 4, pp. 1-16.

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Taïa, Abdellah, 2017, Celui qui est digne d’être aimé, Paris, Seuil, « Points ».

Taïa, Abdellah, 2019, La vie lente, Paris, Seuil.

Zaganiaris, Jean, 2012, « La question Queer au Maroc Identités sexuées et transgenre au sein de la littérature marocaine de langue française », Confluences Méditerranée, vol. 80, 1, pp. 145-161


[1] Francesca Caiazzo est doctorante en études françaises, chargée de cours et assistante de recherche à l’Université de Sherbrooke (Canada), ainsi que traductrice de l’italien et de l’anglais. Elle a une double formation en lettres modernes (Université Lumière Lyon 2) et en études de genre (Université Paris 8), et ses recherches portent sur les différentes formes d’écriture et de représentation de la sexualité dans la littérature de langue française contemporaine. Ses articles ont paru dans différentes revues canadiennes et françaises.
Courriel : francesca[dot]caiazzo[at]usherbrooke[dot]ca

[2] De façon générale, pour Jean Zaganiaris, la littérature marocaine contemporaine d’expression française « est obnubilée par la construction d’une identité islamique libérée à l’égard de la sexualité » (Zaganiaris 2012, p. 147) dans un contexte politique où la sexualité est contrôlée par le pouvoir.

[3] Quant au caractère autobiographique ou autofictionnel de son œuvre, Taïa affirme dans un entretien : « Tout est autobiographique pour un artiste. Puisque tout passe par mon corps, par ce filtre qu’est mon esprit, mon imagination, tout ce que j’écris, tout ce qui sort de moi, porte des traces de ma personne, de ma personnalité, mes névroses, mes obsessions. Mon histoire. Je n’essaie pas de me cacher : j’écris à partir de moi, de mon monde. Je n’ai rien d’autre à offrir que cela. Me donner. Offrir. Être généreux. Dévoiler. Révéler. Être dangereusement nu. Tout le temps » (Laure Gamaury, « Rentrée littéraire 2012 : Abdellah Taïa, “Infidèles” », Terra Femina, 30.08.2012, https://www.terrafemina.com/culture/livres/articles/16908-rentree-litteraire-2012-abdellah-taia-l-infideles-r.html, consulté le 13 septembre 2022).

[4] Boulé 2020, p. 273. On retrouve par ailleurs une analyse détaillée des neuf chapitres de La vie lente (pp. 273-293) et des autres motifs présents dans le roman, tels que le deuil, la mélancolie et la figure maternelle.

[5] Hormis le chapitre de Jean-Pierre Boulé (2020), il n’y a pas encore eu d’analyses de La vie lente au moment où je rédige cet article. Mon analyse s’appuie néanmoins sur des recherches précédentes de ses autres romans (Marien Gouyon, 2013 ; Alexandru Matei, 2014 ; Gibson Ncube, 2016 ; Sophie Catherine Smith, 2012) et reprend des éléments que j’ai développés ailleurs concernant le rôle de la sexualité dans l’œuvre de Taïa (Caiazzo 2020a, 2020b).

[6] Augé 1992, p. 100.

[7] C’est en ces termes que Vincent, l’homme en question, relate sa rencontre avec Ahmed : « J’étais dans le métro ligne 3 quand tu y es monté à la station République. Dans le carré de quatre sièges tu t’es assis en face de moi. La rame était bondée. Je n’ai pas vraiment fait tout de suite attention à toi […] J’ai levé les yeux. Tu me regardais. Tu me regardais depuis un bon moment. C’est toi qui as pris la première décision : venir vers moi. Me séduire. Me prendre » (Taïa 2017, pp. 47-48).

[8] Taïa 2019, p. 43.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Op. cit., pp. 43-44.

[12] Op. cit., p. 44.

[13] Ibid.

[14] Op. cit., p. 47.

[15] Op. cit., p. 49.

[16] Op. cit., p. 54, (mes italiques).

[17] Op. cit., p. 55.

[18] Foucault 2004, p. 15.

[19] Taïa 2019, p. 50.

[20] Op. cit., p. 57.

[21] Op. cit., p. 60.

[22] Ibid.

[23] Op. cit., p. 44, (mes italiques).

[24] Op. cit., p. 61.

[25] Éribon 2015, p. 65.

[26] Op. cit., p. 92.

[27] En effet, Mounir ne subit pas passivement la rencontre et parvient aussi, dans la posture passive, à se sentir agissant : « Sa mise en scène dominante m’allait très bien. J’étais faible et fort à la fois. Sa main. Son bras. Son sexe. Son petit ventre. Ses poils. Son corps en mouvement. Dans la maîtrise. Puis, juste après, dans l’absence de maîtrise » (Taïa 2019, p. 57). Au cours de la rencontre sexuelle, il a donc assumé une position fluctuante, lui permettant justement de sortir de l’identité « passive » figée.

[28] Éribon 2015, p. 65.

[29] Taïa 2019, p. 82.

[30] Op. cit., p. 67.

[31] Op. cit., p. 71.

[32] Op. cit., p. 70.

[33] Op. cit., p. 68.

[34] Op. cit., p. 86.

[35] Op. cit., p. 67.

[36] Op. cit., p. 68.

[37] Le concept d’agency, qui peut être traduit en français par agentivité, capacité d’agir ou puissance d’agir, est utilisé, entre autres, en sciences sociales et en philosophie pour définir la capacité du sujet à agir dans un contexte donné. Il renvoie tant à l’action qu’à la responsabilité.

[38] Taïa 2019, p. 80.

[39] Op. cit., p. 87.

[40] Op. cit., p. 81.

[41] Op. cit., p. 87.

[42] Ibid.

[43] Op. cit., p. 89.

[44] Op. cit., p. 85.

[45] Op. cit., p. 86.

[46] Ibid. On retrouve une scène similaire dans Celui qui est digne d’être aimé, où Vincent raconte : « Tu as fait alors un autre geste, très fort : tu as ouvert ton manteau et tu m’as laissé me rapprocher un peu plus de toi, de ton corps, de ta peau, de tes poils. J’avais l’impression qu’on faisait l’amour, pour de vrai » (Taïa 2017, p. 51).

[47] Taïa 2019, p. 176.

[48] Op. cit., p. 177.

[49] Op. cit., p. 178.

[50] Op. cit., p. 199.

[51] Op. cit., p. 200.

[52] Op. cit., p. 202.

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